Les images satellites sont de puissants outils de découverte et d’analyse, et permettent également d’illustrer de manière très précise une enquête. Les journalistes utilisent déjà les images satellites pour des reportages dans des zones de conflit, sur le changement climatique, les réfugiés, les feux de forêts, l’exploitation minière illégale, les marées noires, la déforestation, l’esclavage et de nombreux autres sujets. Dans le cadre du journalisme d’investigation, le potentiel de l’exploitation de ces images venues de l’espace est également considérable.
Parmi leurs nombreux avantages, les images peuvent servir à montrer le changement à travers le temps, comme l’érosion du littoral, l’agrandissement d’îles, ou la diminution de la végétation. Examiner ces images peut compléter d’autres recherches, et peut potentiellement fournir des preuves corroborantes.
Ce guide de GIJN contient dix sources où trouver une aide et des images gratuitement, dont certaines en « haute résolution ». Plusieurs sources de cette liste sont des ONG, mais vous verrez également que certaines des plus grandes entreprises sont prêtes à aider les journalistes et à fournir des images satellites (voir ci-dessous).
Au vu de la difficulté technique, il est souhaitable que les journalistes sollicitent l’aide d’experts. « Je préférerais que les journalistes se concentrant sur leur reportage et écrivant un bon papier plutôt qu’ils restent assis devant un ordinateur à se gratter la tête et se demandant ce qu’une image Sentinel 2 peut faire et une Landsat 8 ne peut pas», commente ainsi un expert du secteur collaborant pour un groupe d’aide aux journalistes.
Comme d’autres travaillant dans le domaine des images satellites, il pense que les journalistes pourraient exploiter bien davantage les images satellites. Pour une bonne introduction au sujet, consultez cet article d’Anne Hale Miglarese, fondatrice et directrice de Radiant.Earth, ONG basée à Washington D.C, dont l’imagerie satellite sert des problématiques de développement.
Trouver de l’inspiration
L’importance de l’imagerie satellite pour le journalisme d’investigation devrait croître à mesure que la qualité du matériel s’améliore. De plus en plus petits et moins onéreux, les satellites en orbite basse fournissent des images avec plus de détails, à plus haute fréquence, et dans plus de lieux. Possédant plus de 175 satellites, l’entreprise américaine Planet produit chaque jour des images haute résolution de toute la surface terrestre habitable, soit 150 millions de km². Ces images d’un mètre carré par pixel dévoilent des éléments tels que des routes, immeubles, et les différentes palettes de cultures et de forêts. Désormais, la résolution peut être mesurée en dizaines de centimètres et apporte encore plus d’information, élargissant encore davantage les possibilités.
Pour vous aider, veuillez trouver ci-dessous plusieurs sources vous permettant de vous tenir informés de l’actualité récente de l’imagerie satellite.
Vous pouvez ainsi vous pencher sur la présentation « l’imagerie satellite comme outil de reportage », effectuée par Christine Chan, éditrice graphique chez Reuters, lors de la conférence IJAsia18 organisée par GIJN.
La section « actualités » de Planet peut également être une bonne source d’information. EarthRise Media produit de son côté un « fil info » et des études de cas alors que Skytruth fait une chronique de ses projets.
Estacio Valoi, de l’organisation Oxpeckers, spécialisée dans le journalisme d’investigation environnemental a récemment publié un rapport sur une terre contestée dans le district de Massingir, une zone rurale à la frontière entre le mondialement célèbre Parc National sud-africain Kruger et le Mozambique. Il explique ici comment il a utilisé des drones et d’images satellites pour effectuer son rapport.
Vous pouvez également découvrir comment le média d’investigation open source Bellingcat a utilisé l’imagerie satellite en time-lapse -à intervalle régulier- pour détecter des modifications d’infrastructures. Le site propose des études de cas en Birmanie, au Nigeria et en Mer de Chine méridionale. En 2018, Bellingcat a également utilisé des images satellites pour élaborer un rapport détaillé, « Négligence infâme : la pollution pétrolière post-conflit dans l’Est de la Syrie » et a également prouvé que « l’Iran agrandissait une piste dans une zone aéroportuaire stratégique ». Un autre travail intéressant réalisé par Bellingcat à consulter : « comment identifier les villages brûlés grâce aux images satellites – études de cas en Californie, Nigeria et Birmanie ».
Le New York Times a utilisé des images « Planet Lab » pour montrer comment la CIA a étendu de manière spectaculaire une base aérienne en Afrique pour des opérations de drones. Consultez également cet article du Times : Les images satellites et l’analyse de l’ombre : comment le Times vérifie les vidéos de témoins.
Lors de la conférence du GIJN de 2017 en Afrique du Sud, Joel Konopo, du Centre INK pour le journalisme d’investigation au Botswana, a démontré la valeur d’une image satellite acquise pour prouver que des installations avaient été réalisées dans l’enceinte présidentielle. « En utilisant des images satellites, nous avons trouvé un nombre important de véhicules et d’activités militaires dans cette enceinte, malgré les dénégations continuelles du gouvernement » explique Joel Konopo.
Enfin, vous pouvez lire “Le journalisme par satellite – vue d’ensemble : technologie satellite émergente” écrit par Mark Corcoran pour le Reuters Institute, un rapport avec des études de cas de médias utilisant les images satellites, les deux fournisseurs commerciaux américains d’imagerie satellite aux médias, et soulève des questions sur les applications et les limites du néo « journalisme satellite ».
Les organisations collaborant avec des journalistes
EarthRise Media: Earth Media aide les journalistes à trouver, acquérir, analyser et produire de l’imagerie satellite. Les services proposés par Earthrise incluent un fil actualité d’histoires pouvant être améliorées à l’aide de contenus originaux provenant de l’imagerie satellite. Un autre service proposé est l’analyse et le design sur demande. L’imagerie « brute » est difficile à apprivoiser pour des lecteurs non spécialistes. Pour y pallier, Earthrise applique des filtres personnalisés pour rendre les images plus faciles à interpréter, et offre également une analyse et des mesures de base des images. Enfin, Earthrise s’assure que les images possèdent bien une licence exploitable pour les médias. Vous pouvez envoyer vos demandes ici.
SkyTruth: ce groupe d’investigation basé en Virginie-Occidentale aide des projets d’investigation journalistique à travers le monde, selon les explications fournies par son fondateur, John Amos. Il peut-être contacté sur john@skytruth.org.
Esri: Esri fournit un accès à l’imagerie satellite, ainsi que des outils d’analyse et d’observation qui vous permettent de mélanger l’imagerie avec d’autres données, et ainsi trouver des histoires en exploitant les méta-données (ou big data) intéressantes à travers le prisme des cartes. Esri actualise régulièrement un fond de carte de l’imagerie mondiale (de même qu’une version en ligne gratuite appelée clarity), et fournit également des ressources approfondies pour explorer et analyser des données actuelles et plus anciennes de satellites Landsat. Ils conservent aussi une collection d’images à travers l’Atlas vivant du Monde. Vous pouvez garder une trace des mises à jour avec cette story map. Esri offre également un large panel d’outils pour travailler avec l’imagerie, dont le logiciel gratuit 3D ArcGIS Earth, pensé pour les utilisateurs ayant moins d’aisance avec les Systèmes d’Informations Géographiques (SIG). Le site internet Story Map fournit de nombreuses possibilités d’affichage et de présentation des cartes, accompagnés par du texte narratif et multimédia.
Esri a des partenariats privilégiés avec des entreprises d’imagerie satellite et publie souvent des images mises à jour couvrant des événements réguliers importants comme les Jeux Olympiques ou les désastres naturels sur ArcGIS Online, sa plateforme d’analyse et de cartographie.
Grâce à un accord passé avec ESRI, les organisations membres de GIJN peuvent obtenir une licence gratuite du logiciel ArcGIS pour travailler avec des images satellites et créer des cartes. Pour plus d’informations, contactez GIJN sur cette page.
Maxar News Bureau: Maxar Technologies, un fournisseur de « solutions avancées de technologie spatiale » pour des privés et des gouvernements, a lancé le « News Bureau » en 2017 pour “exploiter la puissance de ses images et analyses satellite haute résolution pour et aider au progrès social et à la transparence globale. » DigitalGlobe, une unité de Maxar, produit des images haute résolution parmi les plus précises au monde. Ce « news Bureau » sera partenaire de médias de référence sur des projets, fournissant gratuitement expertises et images. Pour des demandes spécifiques, prendre contact avec Turner Brinton.
MacroscopeMedia: cette organisation fournit une aide gratuite à des journalistes enquêtant à l’aide d’images satellites. Son fondateur et directeur Jeff Stein travaille comme consultant et aide les journalistes ayant besoin d’utiliser des images satellites dans le cadre de leur travail. L’organisation ne possède pas de site internet mais vous pouvez voir sa présentation au GIJC17. Contact : Jeff.Stein@macroscope.com
Planet : cette organisation possède une base de données appelée Planet Stories. Elle permet à quiconque de feuilleter, comparer et partager ces images. Deux outils nommés Compare et Timelapse sont proposés. Compare permet aux personnes de sélectionner deux images et de les comparer en même temps. Timelapse propose quant à lui de sélectionner plusieurs images et de créer une animation montrant le changement entre les images. De manière occasionnelle, Planet collecte des images quotidiennes représentant la surface des terres du globe. De plus, Planet partage images et expertises avec des organes de presse accrédités. Contactez press@planet.com
Descartes Labs : cette entreprise collecte quotidiennement des données issues d’imageries publiques et commerciales qui peuvent être utiles aux journalistes. « Nous sommes souvent contactés pour créer de l’imagerie pour la presse et sommes heureux d’aider quand nous le pouvons » explique Shawn Patrick, personne ressource à contacter. « Nous ne facturons pas pour ces demandes ; nous demandons juste que les crédits soient mentionnés. »
EOS: EOS Landviewer fournit gratuitement jusqu’à 10 images. Plus de contenus et d’analyse sont disponibles pour les journalistes, à tarif réduit. Contactez Artem Seredyuk. EOS est actuellement en train de développer un service provisoirement appelé EOS Media, qui fournira des images et analyses gratuites de désastres naturels.
Radiant Earth Foundation: cette ONG basée à Washington aide la communauté à découvrir, explorer et analyser des archives satellites, drones, et aériennes. Le 5 septembre 2018, elle a publié une « nouvelle plateforme d’imagerie open Earth ». Radiant Earth travaille actuellement avec Code for Africa, entre autres. Pour plus d’information, visitez leur site internet.
Resource Watch : Une plateforme sans but lucratif, toujours en version bêta, fournissant des centaines de collections de données sur l’état des ressources de la planète et des citoyens. Elle est soutenue par l’Institut des Ressources Mondiales (World Resources Institute) ainsi que d’autres structures. Les données de Resource Watch sont libres d’accès et les utilisateurs peuvent télécharger des données. Contact : Lauren Zelin
Ressources pour obtenir des images satellites gratuites
Earth Explorer: cette organisation appartient à l’Institut gouvernemental d’études géologiques des États-Unis (USGS). Fournit majoritairement des images des Etats-Unis. L’USGS Global Visualization Viewer (GloVis) offre des données de télédétection. Les archives de l’USGS contiennent une collection complète et bien conservée des données du satellite Landsat de la NASA.
Sentinel Hub Playground: un site facile d’utilisation pour des images de Landsat–Sentinel–2 (NASA). Des services gratuits de ce site commercial incluent des fonctionnalités permettant d’utiliser différentes bandes de couleurs et des images actualisées. Le navigateur EO permet de revoir des images en time-lapse.
Spectator: cette application Web gratuite simplifie la récupération d’images grâce à des recherches sémantiques telles que « images sans nuages de New York le mois dernier». Voir la vidéo YouTube. Créez un compte (gratuit) pour créer votre propre chaîne afin de gérer vos centres d’intérêt et les satellites que vous souhaitez utiliser.
Copernicus: ce site de l’Agence Spatiale Européenne possède les images des six satellites Sentinel du programme Copernicus. Meilleure résolution que Landsat. Voir l’explication sur le site Web GISGeography pour savoir comment télécharger des images gratuitement.
GoogleEarthEngine: vaste catalogue d’images satellites et d’ensembles de données géospatiales dotées de capacités d’analyse à l’échelle planétaire. Earth Engine est gratuit pour la recherche, l’éducation et une utilisation à but non lucrative, mais il est nécessaire de s’inscrire. Pratique car des images satellites anciennes sont disponibles. Google Earth: voyage divertissant via un globe virtuel.
Google Maps: fournit des cartes et des images détaillées. Google StreetView : images au niveau du sol. Images plus anciennes disponibles pour certains lieux.
Bing: cartes et vues des rues, par Microsoft. Bellingcat, une organisation spécialisée dans les enquêtes en ligne, remarque, à propos de Bing, que ces derniers fournissent « des images plus récentes et d’une résolution supérieure à celle de Google, par exemple en Irak.”
Wikimapia: projet de cartographie collaborative ouvert créé par des particuliers visant à indiquer tous les objets géographiques du monde et à en fournir une description utile. Le projet n’est pas lié à Wikipedia. Le site internet fournit une carte web interactive basée sur l’interface de programmation de Google Maps. La carte contient des informations générées par l’utilisateur superposées aux images satellites de Google Maps et à d’autres ressources. Disponible dans plusieurs langues.
TerraServer.com: grande bibliothèque d’images consultable, mais peu sont publiques. Cependant, certains journalistes considèrent l’abonnement comme un bon investissement. Les nouvelles restrictions introduites en septembre 2018 ont déplu à de nombreux utilisateurs.
NASA EarthData: WorldView permet de visualiser des images de la NASA quasiment en temps-réel. Un large éventail d’images satellites et aériennes; critères de recherche généraux; et d’autres outils de cartographie et de visualisation tels que FIRMS pour les incendies. Accès à plus d’une douzaine de centres de données et produits de données satellites associés de la NASA. NASA Earth Observations : plus de 50 collections de données sur l’atmosphère, les terres, les océans, l’énergie, l’environnement et plus encore.
GeoVisual Search est un moteur de recherche qui permet aux utilisateurs de rechercher visuellement des images présentant des caractéristiques géographiques similaires. La plate-forme de « Descartes Labs » est construite à partir d’images satellites Landsat, du Programme national d’imagerie agricole (NAIP) et de PlanetScope. Voir également la description de son utilisation.
ESA Earth Online: EOLi (Earth Observation Link) est le site qui regroupe les données d’observation de la Terre de l’Agence Spatiale Européenne sur des sujets tels que la température, l’agriculture et les calottes glacières.
Open Imagery Network (OIN) recueille des images en licence libre. Les contributeurs à OIN rendent disponibles sous une licence commune les images et les métadonnées qui y sont liées. Open Imagery Network relie des fournisseurs d’imageries satellites et aériennes, des personnes travaillant dans l’humanitaire, des sociétés d’hébergement en cloud computing, des passionnés de cartographie (drone, ballon), des gouvernements, des ONG, des sociétés de cartographie et toutes autre personnes produisant, hébergeant et utilisant des images aériennes. Construit sur le réseau Open Imagery Network (OIN), OpenAerialMap est un service ouvert fournissant un moyen de recherche et d’accès à ces images.
EarthTime: ce service gratuit du CREATE Lab (Community Robotics, Education and Technology Empowerment Lab) de la Carnegie Mellon University (États-Unis) « permet aux utilisateurs d’interagir avec des visuels représentant la transformation de la Terre à travers les époques », ainsi que de créer des animations.
Ressources sur l’utilisation des images
The Engine Room, une ONG internationale, publie une vaste introduction à l’utilisation d’images satellitaires dans des enquêtes sur les ressources humaines. Elle décrit où trouver des images et comment les utiliser.
Lisa Gutermut, coordinatrice de programme chez Tactical Technology Collective, a rédigé le guide: « commencer des enquêtes à l’aide de satellites », qui contient une liste de sources et de tarifs.
Comprendre les données satellites, un workflow open source : accéder aux données, est une série en quatre parties sur l’utilisation des données, réalisée par Robert Simmon de Planet Labs.
Publié par l’Association américaine pour l’avancement de la science, le manuel d’analyse d’images haute résolution par satellite comprend « quelques questions simples que le chercheur peut se poser pour déterminer si l’imagerie par satellite pourrait lui être utile ».
« Comment aspirer des données géospatiales interactives », par Bellingcat, se concentre sur le téléchargement de données géospatiales, avec des exemples à l’appui.
Inventaires et ressources connexes
Geohack sources : inventaire de sources satellites et cartographiques dans le monde entier, en plusieurs langues, par Wikipedia.
Mashable : résumé de sites pertinents pour rendre compte des changements climatiques, rédigé par Andrew Freedman.
Un tableur de ressources par le géographe israélien Harel Dan.
GISGeography : « 15 sources de données d’images satellite gratuites », avec des commentaires sur leurs forces et leurs faiblesses. Sources officielles aux États-Unis, dans l’Union européenne, au Japon, en Inde et ailleurs. Regardez également les commentaires publics en bas pour d’autres suggestions. GISGeography est une équipe de géographes passionnés par une meilleure compréhension de la localisation.
Venture Radar : une liste de fournisseurs commerciaux.
Digital Forensics Tools, Bellingcat : une fiche de conseils sur de nombreuses ressources, y compris les satellites, par un groupe utilisant l’open source et les médias sociaux pour étudier divers sujets.
Savoir où observer – Sources d’images pour la géolocalisation : Eliot Higgins de Bellingcat explique comment il procède pour obtenir des preuves lors de la vérification d’images ou de vidéos.
Journalists Toolbox : une vaste liste de ressources de cartographie, par la US Society of Professional Journalists.
Le GIJN accepte toute suggestion d’ajouts à cette ressource. Contactez le GIJN ici. Vous pouvez télécharger cette ressource au format PDF ici.
Ce guide a été élaboré par Toby McIntosh, directeur du centre de ressources du GIJN. Il a passé 39 ans chez Bloomberg BNA à Washington. Il est l’ancien rédacteur en chef de FreedomInfo.org (2010-2017), où il a écrit sur les politiques en matière de liberté de l’information dans le monde, et siège au comité directeur de FOIANet, un réseau international de défenseurs de la liberté de l’information.