Guide pour enquêter sur les industries extractives

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Bernard Durfee dans Flickr (licence CC)

Les industries extractives, c’est-à-dire l’exploration et l’exploitation du pétrole, du gaz et des ressources minières, représentent un sujet d’importance capitale pour les journalistes d’investigation, en particulier dans les pays en voie de développement. Les ressources naturelles contribuent considérablement au PIB de ces pays et, dans de nombreux cas, constituent l’essentiel des recettes publiques. Les entreprises du secteur extractif sont grandes et influentes. La manière dont les revenus générés par l’industrie extractive sont dépensés a un impact sur la croissance économique, l’environnement, la sécurité intérieure et le bien-être social. Dans de nombreux pays, cependant, les recettes sont soit gaspillées soit perdues en raison de la corruption et d’une mauvaise gestion financière.

Comment enquêter sur les industries extractives a fait l’objet d’une table ronde lors de la conférence de GIJN à Hambourg l’an dernier (vous pouvez consulter toutes les présentations ici). Parmi celles-ci figurait une liste de questions à poser pour établir si une entreprise reçoit un avantage indu lors de l’octroi d’une licence, présentée par Asmara Klein de l’Institut de gouvernance des ressources naturelles. Maurício Angelo de l’Observatoire minier a également prodigué de précieux conseils et exemples.

Les ressources publiées par GIJN sur la couverture des industries extractives s’inspirent d’un guide détaillé :  « Couvrir l’industrie extractive : Big Data, nouveaux outils et journalisme »,  par Anya Schiffrin et Erika Rodrigues. Leur article a été présenté lors de la Conférence mondiale de journalisme d’investigation en octobre 2013 à Rio de Janeiro. GIJN met régulièrement à jour cette liste, en y intégrant de nouvelles ressources

Les auteurs ont présenté un autre article en 2015 à la Conférence mondiale sur le journalisme d’investigation à Lillehammer, en Norvège, intitulé « Technologies numériques et secteur extractif : encourager le journalisme ». Ils y portent un regard critique sur le journalisme couvrant les industries extractives.

Fabiola Torres, l’autrice de « L’Or sale : Suivre la trace du marché londonien des lingots d’or », a présenté son enquête lors du GIJC17. Le sous-titre de l’article : « Comment nous avons identifié ce qui relie l’exploitation minière illégale en Amazonie aux plus grands marchands d’or du monde. »

De nombreuses pistes d’enquêtes existent sur l’industrie minière pour les journalistes d’investigation. Le secteur ayant gagné en transparence ces dernières années, on trouve désormais davantage de données disponibles. Le défi pour les journalistes consiste désormais à localiser puis à comprendre ces données, afin de pouvoir les intégrer à leurs enquêtes de fond sur ces sujets. Vous trouverez ci-dessous une feuille de route pour améliorer votre couverture, y compris de nouveaux outils permettant aux journalistes et blogueurs d’obtenir et de vérifier des informations, ainsi que de trouver l’inspiration pour de futures enquêtes.

Où trouver les informations 

Les outils et sites privilégiés pour la collecte d’informations

Nous avons identifié un large éventail de sites pouvant servir aux journalistes couvrant le pétrole, le gaz et les mines.

Sites dédiés au secteur extractif

  • Thompson Reuters Oil and Gas Reporting Handbook : Un guide complet qui explique certains des aspects les plus abscons de l’industrie du pétrole et du gaz, pour aider les journalistes à rendre compte du secteur de manière plus efficace et informée.
  • Retrouver les millions qui se sont volatilisés : Un manuel daté de 2018 et réalisé par Global Witness explique comment utiliser les comptes publiées des entreprises dans ce secteur pour tenir les gouvernements et l’industrie responsable de ses actes.
  • La base de données de la National Oil Company compile des informations sur la production, les revenus et les performances de 71 compagnies pétrolières nationales. Elle est réalisée par l’Institut de gouvernance des ressources naturelles, dont le site très fourni contient une page, Resource Projects, dédiée aux données concernant les paiements effectués par les entreprises pour extraire les ressources pétrolières, gazières et minières du monde entier.
  • ICMM : Le Conseil international des mines et des minéraux se donne comme objectif de « réunir 22 sociétés minières et métallurgiques ainsi que 33 associations minières nationales et régionales et associations mondiales de ressources naturelles afin de maximiser la contribution de l’exploitation minière, des minéraux et des métaux au développement durable. »
  • CEPMLP : Le Centre pour le droit et la politique de l’énergie, du pétrole et des minéraux de l’Université de Dundee est une école doctorale de premier ordre dans le domaine des affaires, du droit et des politiques entourant l’extraction dans les secteurs des mines, de l’énergie et des ressources naturelles.
  • La liste des sources de l’IE : Une introduction exhaustive aux industries pétrolière, gazière et minière ; affilié à Goxi, à la Banque mondiale et à l’Université de Dundee.
  • Open Corporates : « La base de données publique du monde de l’entreprise » contient des informations sur plus de 60 millions de sociétés à travers le monde.
  • OpenOil : une organisation qui encourage « l’élaboration de politiques progressistes » dans les domaines du pétrole et du gaz. Comprend des blogs, de la recherche, des guides wiki, etc.
  • Les travaux universitaires de Michael Ross : Le site web de ce professeur de sciences politiques de l’UCLA donne accès à ses travaux universitaires sur les effets de la richesse pétrolière sur le développement.
  • « Covering Oil » IJEC : Un livre que l’auteur a aidé à éditer en 2005 vise à aider les journalistes à couvrir le pétrole ; il a été traduit en plusieurs langues et est disponible gratuitement sur le site de Revenue Watch.
  • Rapport sur l’accord de développement minier : Global Witness a publié un certain nombre de rapports sur les industries extractives, en particulier en Afrique. A lire, entre autres, un rapport de l’ONG sur un accord de développement minier injuste signé par le Libéria et l’entreprise Mittal et qui a contribué à pousser les deux parties à renégocier les termes du contrat.
  • Fatal Extraction : un projet du réseau de data-journalisme Code for Africa visant à rassembler et à cartographier « le coût humain de l’empire minier australien en Afrique ».
  • Double Offshore – Un projet de Code for Africa qui montre « les relations entre entreprises qui possèdent et exploitent des plateformes pétrolières, et leurs liens, d’incorporation ou autres, avec des paradis fiscaux maritimes ».
  • Les mineurs du Mozambique – Un projet de Code for Africa  qui révèle qui se cache derrière l’industrie minière au Mozambique, ainsi que leurs relations.
  • ResourceContracts : un portail qui héberge plus d’un millier de contrats miniers et pétroliers.
  • Resourceprojects.org : Une archive des projets extractifs qui comprend les paiements aux gouvernements sur la base de la nouvelle législation sur la divulgation obligatoire dans l’UE, la Norvège, les États-Unis et le Canada, ainsi que dans les rapports de transparence EITI. ResourceProjects.org relie les données de projets aux informations connexes, telles que l’emplacement et l’état du projet et les contrats, entreprises et licences qui lui sont associés, à partir de sources gouvernementales et industrielles.
  • Douze signaux d’alarme : les risques de corruption dans l’attribution de licences et de contrats dans le secteur extractif : un rapport de 2017 de l’Institut de gouvernance des ressources naturelles.
  • Brookings : « Le projet La transparence comme moyen de lutte contre la corruption » (LTRC en anglais) a créé en 2018 une  bibliographie annotée de plus de 150 livres, documents, outils/ensembles de données et autres ressources traitant des efforts de transparence, de responsabilité et de participation tout au long de la chaîne de valeur des ressources naturelles.

Infrastructures et flux énergétiques

La gestion des revenus et la transparence

Les sites contenant des informations sur les procédures d’arbitrage et leurs résultats :

  • Luke Eric Peterson est un journaliste passionné d’arbitrage international qui écrit sur le sujet depuis des années. Il s’intéresse également aux traités bilatéraux d’investissement et aux droits de l’homme.
  • Investment Arbitration Reporter : « un service d’actualité et d’analyse axé sur les arbitrages internationaux entre les investisseurs étrangers et les pays qui les reçoivent. »
  • Professeur Andrew Newcombe : Ce site géré par le professeur Andrew Newcombe héberge tous les avis d’arbitrage, actes de procédure et sentences rendus publics, triables par société requérante et État défendeur.
  • Le Centre pour le règlement des différends relatifs aux investissements, au sein de la Banque mondiale : identifie le secteur/l’industrie en cause dans le différend investisseur-État.
  • UNCITRAL : Les règles récemment adoptées qui imposeront la transparence dans les arbitrages investisseur-État. Les nouvelles règles sont disponibles sur ce site. Nous avons également rédigé un rapport sur ces nouvelles règles de transparence, expliquant ce qu’elles signifient et leur date d’application.

Les sites nationaux

  • Sahara Reporters : « Une communauté en ligne de journalistes internationaux et d’acteurs de la société civile dédiée à vous fournir commentaires, enquêtes au long cours et infos d’un point de vue nigérian-africain. »
  • Guinée News : « S’intéresse principalement aux nouvelles et informations concernant la République de Guinée. Couvre également les questions africaines et internationales » (traduction de la page « À propos »).
  • Soul Beat Africa : « Une initiative de gestion des connaissances axée sur la communication et les médias pour le changement social en Afrique. »
  • @Verdade : « Un journal de haute qualité en couleur distribué chaque semaine à la population mozambicaine, avec un lectorat estimé à 400 000 lecteurs. »
  • Pétrole en Ouganda : un site appartenant à Action Aid International Uganda, fonctionnant avec le soutien financier de la Fondation Ford, avec des nouvelles et des informations détaillées sur les dimensions sociales, économiques, de gouvernance et environnementales du secteur pétrolier et gazier en Ouganda. Une édition imprimée trimestrielle compile les principaux contenus du site, plus quelques ajouts.
  • BudgIT : un site avec « des infographies simples qui ont aidé les citoyens du Nigeria à comprendre les nouvelles subventions en matière de carburant et la part des revenus issue du pétrole. L’équipe a depuis produit toute une série de graphiques pour expliquer le budget du pays état par état et par secteur et utiliser l’impact des réseaux sociaux pour permettre aux citoyens de participer à des débats plus éclairés sur les dépenses publiques. » C’est aussi une application pour téléphones portables.
  • openAFRICA : Un projet de Code For Africa et « la plus importante archive indépendante de données publiques sur le continent africain ». Permet aux utilisateurs de rechercher facilement des sets de données par mot-clé.

Les sites pour se connecter à d’autres

  • Ulula : une plateforme mobile conçue pour mesurer l’impact des grandes entreprises sur les communautés qu’elles desservent en analysant les « risques sociaux, économiques et environnementaux » qu’elles présentent et en utilisant une plateforme numérique de retour d’expérience pour favoriser le dialogue entre entreprises et citoyens
  • Goxi : un réseau collaboratif inspiré de l’Institut de la Banque mondiale et de la Banque africaine de développement, spécialement conçu pour les projets de gouvernance liés aux industries extractives. Comprend des échanges sur la recherche, la recherche d’emploi et la répartition des tâches entre universitaires, salariés du privé, fonctionnaires, acteurs de la société civile et journalistes
  • Le tableau de bord de l’investigation : « Les méthodologies détaillées, ressources et liens permettant aux journalistes de suivre la trace de l’argent et des actionnaires à l’international », avec des plans pour inclure « des espaces de travail collaboratifs plus avancés, des archives de données et des prix réduits pour accéder à des services de recherche coûteux ou exclusifs. »
  • Ureport : semblable à LabourVoices.
  • Connected Africa – Ce site, qui est un projet de Code For Africa, montre les liens financiers, politiques et institutionnels qui existent en Afrique du Sud. Vous pouvez effectuer des recherches entre autres par individu, par institution et par parti politique.
  • Factr : « Factr combine votre propre expertise et celle de vos pairs en qui vous avez confiance, pour filtrer ce flot de données et vous fournir exactement ce dont vous avez besoin. »

Les sites technologiques liés à l’innovation

UProxy : Développé par Google Ideas, cet outil permet aux utilisateurs dans les endroits avec une connexion internet sécurisée et sans restrictions de partager leur connexion via les réseaux sociaux avec des personnes dans des endroits où l’usage d’internet est dangereux ou restreint.

Gkillcity : un site d’actualité alternatif en Equateur réalisé par des journalistes citoyens.

Flash Cast: « FlashCast dispose d’un réseau d’affichages de texte dynamiques et conscients de leur géolocalisation installés dans les véhicules de transport en commun. Cette nouvelle technologie offre aux entreprises de toutes tailles un canal géo-ciblé puissant et abordable pour capturer de nouveaux marchés. Elle permet également aux ONG, aux agences gouvernementales et aux entreprises à but non lucratif de diffuser des informations vitales aux groupes démographiques les plus difficiles à atteindre. »

Citizen Desk : « Un outil pour aider à regrouper, vérifier et publier les reportages des journalistes citoyens. »

Oxpeckers – Le Centre d’Oxpecker pour le journalisme d’investigation environnementale se concentre sur l’utilisation de la cartographie et de l’analyse des données pour répertorier les délits environnementaux en Afrique. Vous pouvez également vous inscrire pour recevoir des alertes sur les candidatures et les licences d’exploitation minière à proximité de chez vous via leur site #MineAlert et leur application mobile.