À première vue, le changement climatique pourrait sembler un sujet peu propice au journalisme d’investigation. Notre appréhension du réchauffement de la planète dépend de la science et la question est si complexe que nous comptons souvent sur des experts techniques pour nous dire, par exemple, comment le changement climatique accentue les inondations, les sécheresses, les ouragans, les vagues de chaleur, les épidémies, la santé, l’érosion côtière, le déclin des espèces et de nombreux autres phénomènes.
Pourtant, le réchauffement climatique est en train de devenir l’affaire la plus importante du 21ème siècle. Comme pour la majorité des problèmes environnementaux, il affecte davantage les populations ayant le moins de ressources pour s’y adapter : les plus pauvres, les femmes, les jeunes ou les peuples autochtones. Bien que nous soyons tous responsables, dans une certaine mesure, du réchauffement de la planète, il est évident que certains émettent considérablement plus de gaz à effet de serre que d’autres et bénéficient également bien davantage d’activités polluantes : les consommateurs les plus riches, les entreprises de combustibles fossiles, les industries manufacturières et les entreprises de transport lourd, ou encore les sociétés d’exploitation forestière.
Cela signifie que le changement climatique n’est pas seulement un problème environnemental, mais aussi un problème de justice économique et sociale, devenant un domaine riche dans lequel le journalisme d’investigation peut s’épanouir. Il touche aujourd’hui pratiquement tous les aspects de notre société – notre économie, notre sécurité, notre santé, notre subsistance, nos disponibilités alimentaires et notre politique, ce qui en fait un sujet d’enquête encore plus foisonnant. Mais lorsque nous enquêtons sur l’environnement, nous ne devons pas seulement traquer l’argent, nous devons également traquer la pollution – d’où elle vient, qui en profite et qui en souffre.
Voici donc 10 pistes d’enquêtes que les journalistes peuvent explorer pour découvrir ce qui se cache derrière “l’affaire de notre époque“, comme l’appelle le rédacteur en chef du New York Times. Même si certaines de ces questions ont déjà été abordées dans certains pays, dans de nombreuses autres régions du monde, la couverture médiatique sur le climat est dramatiquement insuffisante.
L’industrie des combustibles fossiles
En tant que principaux responsables des émissions de gaz à effet de serre, les industries du charbon, du pétrole et du gaz constituent la cible la plus évidente pour les journalistes d’investigation. D’excellentes enquêtes sur des entreprises de premier plan ont déjà été publiées, telles que l’enquête sur Exxon pour laquelle InsideClimate News a été lauréat du prix Pulitzer. Cependant, de nombreuses autres entreprises, dont certaines parmi les plus importantes au monde, n’ont pas encore fait l’objet d’enquêtes approfondies. En particulier, certaines des compagnies pétrolières d’État telles que Saudi Aramco, Sinopec, China National Petroleum et Kuwait Petroleum, ou d’autres sociétés géantes telles que Lukoil, Total et Eni, qui peuvent être des sociétés privées ou cotées en bourse, mais fonctionnent souvent comme des sociétés étatiques.Photo: Pixabay
Il serait utile de savoir si ces entreprises, ou, plus vraisemblablement, les alliances commerciales auxquelles elles appartiennent, exercent leur influence pour faire passer certaines lois, pour obtenir des subventions ou des réglementations favorables. Financent-ils des politiciens soutenant leur industrie? Diffusent-ils de fausses informations? S’opposent-ils à des législateurs luttant contre le changement climatique? Soutiennent-ils des groupes niant l’existence du réchauffement climatique en ignorant les découvertes de leurs propres scientifiques?
On peut également enquêter sur ces entreprises pour vérifier si elles accroissent la “bulle de carbone”, une surévaluation possible de leur valeur nette qui pourrait s’effondrer et potentiellement déclencher une crise financière majeure. Souvent, ces entreprises sont largement évaluées sur la base de leurs réserves déclarées de combustibles fossiles. Alors que les scientifiques estiment que nombre de ces réserves devront rester souterraines si nous voulons éviter une catastrophe, les réserves de ces entreprises pourraient potentiellement se transformer en “actifs bloqués”. Il est également possible que certaines de ces entreprises soient finalement jugées responsables du réchauffement de la planète en raison de l’impact de leurs produits, comme ce fut le cas après le Master Settlement Agreement, au terme duquel les grandes compagnies de tabac américaines ont dû payer des pénalités exorbitantes. .
En général, les entreprises du secteur de l’industrie charbonnière sont celles qui attirent le plus l’attention des médias car le charbon est considéré comme le combustible le plus polluant. Les pipelines et les opérations de fracturation ont également fait l’objet de nombreuses études en raison de leurs risques environnementaux tels que les explosions, les fuites et la contamination des sources d’approvisionnement en eau.
Les entreprises de gaz naturel attirent généralement moins l’attention, en partie parce qu’il est considéré que la combustion de gaz génère moins de gaz à effet de serre que les autres carburants, ce qui a amené l’industrie à penser que le gaz pourrait constituer un “combustible de transition“. Cependant, il reste beaucoup à creuser en ce qui concerne l’industrie du gaz naturel. Le méthane, principal gaz à effet de serre émis par le gaz naturel, ne reste pas dans l’atmosphère aussi longtemps que le dioxyde de carbone, son potentiel de réchauffement global est quatre fois plus élevé que le CO2. De même, il a été prouvé que les entreprises exploitant du gaz naturel génèrent bien plus de fuite de méthane dans l’atmosphère qu’on ne le pensait auparavant. Pourtant, la plupart de ces entreprises se sont battues contre les réglementations visant à prévenir ces fuites. Une piste potentielle d’enquête dans la plupart des pays du monde.
Autres industries polluantes
Bien que la combustion des énergies fossiles porte une responsabilité majeure dans le changement climatique, les journalistes peuvent trouver des pistes d’enquêtes solides en remontant les chaînes d’approvisionnement de presque toutes les industries pour savoir quels systèmes émettent le plus de gaz à effet de serre. Certaines industries méritent cependant une attention particulière :
Agriculture, élevage et exploitation forestière
L’agriculture, l’exploitation des forêts et des terres rurales génèrent entre un quart et un cinquième de toutes les émissions responsables du changement climatique à l’échelle de la planète. L’agriculture industrielle dépend en grande partie de l’industrie des combustibles fossiles. La production d’engrais synthétiques, par exemple, émet une quantité considérable de gaz à effet de serre en brûlant d’importantes quantités de gaz naturel, puis en libérant davantage de gaz retenant la chaleur générée par les bactéries du sol. De nombreuses techniques agricoles ne nuisent pas à l’environnement et les journalistes devraient rechercher pourquoi elles ne sont pas davantage utilisées alors que l’agriculture et la sécurité alimentaire vont probablement être sérieusement affectés par le réchauffement de la planète.
L’impact de l’élevage sur le climat mondial a souvent été tourné en ridicule, principalement parce qu’il est amusant de penser que la flatulence des vaches puisse contribuer à la crise mondiale. Mais l’industrie laitière et l’élevage industriel génèrent environ 8,5% des émissions générées par l’homme (d’ailleurs, les éructations de bovins sont encore plus graves que leurs flatulences, selon la NASA). En outre, de nombreuses forêts tropicales sont en train d’être supprimées pour développer l’élevage ou la culture du soja (en particulier en Amazonie) et les plantations d’huile de palme (en Asie du Sud-Est). Celles-ci pourraient pourtant être utilisées comme d’importants “puits de carbone” : des lieux où le carbone est stocké au lieu d’être libéré dans l’atmosphère. Ces forêts sont des espaces essentiels pour la biodiversité.
L’une des questions les plus fréquemment posées aux journalistes couvrant le changement climatique est la suivante : que peuvent faire les individus pour le résoudre? Les journalistes peuvent contribuer à y répondre en enquêtant sur l’origine de notre nourriture : comment elle est produite et acheminée jusqu’à nous et comment ce processus de production contribue aux émissions de gaz à effet de serre.
Transport
Une autre cause du changement climatique pour laquelle les individus, en tant que consommateurs, peuvent faire la différence, est le transport. La responsabilité du transport aérien et de l’utilisation individuelle d’automobiles dans le changement climatique a déjà été largement médiatisé. Cependant, certains aspects ont reçu beaucoup moins d’attention: l’impact global du transport aérien et du fret sur le changement climatique et les efforts déployés pour réglementer ces industries, par exemple, ou le fait que les politiques de logement doivent être conçues en symbiose avec la politique climatique du fait de leur impact sur les transports.
Ciment et industrie lourde
Très peu de gens savent que l’industrie du ciment génère environ 8% des gaz à effet de serre d’origine humaine. Si ce secteur était un pays, il serait ainsi le troisième plus grand émetteur au monde. Et qu’en est-il des autres industries telles que le fer, les produits chimiques, la climatisation ou les réfrigérants?
Sociétés immobilières et sociétés de développement d’infrastructure
Le secteur immobilier mérite une mention spéciale parce qu’il utilise beaucoup de béton et parce que les politiques de logement ont un impact considérable sur les options de transport (et donc sur les émissions). Surtout, l’industrie immobilière et les entreprises de développement d’infrastructure ont une influence considérable sur les politiques liées au climat et même sur la manière dont les gouvernements rendent compte des défis posés par le changement climatique.
La responsabilité de la spéculation immobilière dans la non prise en compte du changement climatique a reçu bien moins d’attention que celle de l’industrie des combustibles fossiles. Pourtant, il ne fait aucun doute que dans des États tels que la Caroline du Nord ou la Floride (aux États-Unis) et dans d’autres parties du monde, les intérêts immobiliers ont appuyé des politiques destructrices. Ainsi, des législateurs ont sciemment ignoré les recommandations des scientifiques experts du changement climatique au moment de concevoir leurs politiques côtières.
Les journalistes doivent accorder une attention particulière aux zones côtières et aux inondations lorsque les promoteurs – non seulement les sociétés immobilières, mais également les constructeurs de routes, de ponts, de jetées, etc. – sont tentés de construire et de vendre des propriétés dans des zones potentiellement inondables. Ainsi, tout comme une bulle pourrait se former du fait de la surévaluation des entreprises de combustibles fossiles, la valeur des projets immobiliers côtiers pourrait chuter précipitamment si les propriétaires réalisaient d’un coup qu’ils ne peuvent pas protéger ou assurer correctement leur maison. Pour creuser cette problématique, les journalistes devraient s’adresser aux planificateurs régionaux confrontés à un angoissant dilemme : comment déterminer le niveau d’élévation du niveau de la mer potentiel ou des risques climatiques à prendre en compte au moment de définir leurs zonages réglementaires?
Réglementation gouvernementale et subventions
Ce sujet nous amène au secteur public, qui joue un rôle essentiel pour déterminer dans quelle mesure nous tous, y compris les sociétés privées, sommes confrontés au défi du changement climatique. La plupart des journalistes devraient bien sûr s’intéresser à la manière dont des intérêts particuliers, tels que ceux des entreprises de combustibles fossiles, influencent les politiques gouvernementales. Ils devraient aussi enquêter sur tous les effets complexes de ces pressions politiques sur le changement climatique. Par exemple, en approuvant les restrictions sur le développement des énergies renouvelables, ou en assouplissant les réglementations de sécurité et autres formes de pollution, afin de rendre la production de combustibles fossiles moins chère.
Les subventions accordées à certaines industries, en particulier celle des combustibles fossiles, qui génère une émission de gaz à effet de serre considérable, est un domaine qui ne reçoit généralement pas suffisamment d’attention. Une étude estime que ces subventions atteignent 5 milliards de dollars par an à l’échelle de la planète, sans compter le soutien accordé à d’autres industries polluantes, tel que le bétail. Bon nombre d’autres aides publiques sont également néfastes. Par exemple, de nombreux gouvernements soutiennent leurs flottes de pêche en leur fournissant de l’essence bon marché, ce qui nuit aux stocks de poisson. Il est indispensable de vous poser la question suivante : votre gouvernement tente-t-il de prévenir le changement climatique ou sa politique l’aggrave-t-il ?
Aide étrangère, investissements et crédits à l’exportation
Les journalistes doivent se tenir informés des mesures gouvernementales prises dans leur pays, mais également des activités de leur gouvernement à l’étranger. Aux États-Unis, par exemple, même après la fermeture des centrales de charbon, les exportations de charbon ont considérablement augmenté ces dernières années. De même, la Chine envisage de réduire son utilisation de charbon dans le pays, mais les intérêts chinois sont impliqués dans plus de 200 projets charbonniers dans le monde. L’OCDE a mis en place des règles pour empêcher les pays riches d’octroyer des crédits à l’exportation pour la construction de centrales à charbon, mais certains gouvernements contournent ces réglementations. De même, il faut surveiller que les banques internationales de développement respectent l’accord de Paris sur le climat et ne soutiennent pas des initiatives de développement sale.
Pollution illégale et faux rapports
Même lorsque les gouvernements ont une bonne politique climatique, ils peuvent avoir du mal à faire appliquer certaines réglementations et à contrôler leur application effective. La plupart des gaz à effet de serre étant invisibles et sans odeur, les polluants peuvent cacher leurs émissions ou fournir de fausses déclarations. Ces dernières années, par exemple, il a été révélé que certains des constructeurs automobiles les plus prestigieux au monde ont fait largement pression pour obtenir des normes de consommation de carburant moins exigeantes ou encore ont installé des logiciels dans leurs voitures pour tromper les contrôles antipollution.
Récemment, des informations alarmantes font état de tromperies dans l’émission de substances qui détruisent la couche d’ozone, avec des soupçons sur les pratiques chinoises. Des scandales similaires devraient se multiplier si la volonté de limiter la pollution via les gaz à effet de serre était prise au sérieux par la majorité des pays du globe. Les réglementations relatives à la mesure, à la notification et à la vérification (MRV) de l’émission des gaz font l’objet d’intenses discussions et désaccords lors des négociations des traités sur le climat de l’ONU. Savoir qui contrôle le niveau d’émission des gaz à effet de serre est indispensable dans tout pays prétendant avoir réduit ses émissions.
Crédits carbone et programmes de compensation
Tout comme les émissions de gaz à effet de serre doivent être surveillées, les programmes de compensations destinés à les neutraliser méritent également notre attention. Ces compensations, parfois appelées crédits carbone, permettent aux pollueurs d’équilibrer leurs propres émissions en soutenant des projets qui réduisent les émissions ou stockent le carbone ailleurs. Étant donné que l’atmosphère est un bien global, la logique de ce système semble impeccable, mais on peut aussi juger qu’il est injuste de permettre aux riches de polluer davantage. Certains projets relèvent ainsi du greenwashing alors que d’autres ont eu peu d’impact, voire ont causé plus de dégâts qu’ils n’en résolvaient. Là encore, la question indispensable à se poser est : qui comptabilise combien d’émissions sont “compensées” ? La réponse varie d’un État à l’autre, mais identifier le gouvernement ou l’organisme privé responsable de la supervision des crédits ou de la compensation de carbone est, dans de nombreux cas, la première étape pour déterminer sa légitimité.
Impacts inattendus ou sous-évalués
Il peut être compliqué de couvrir l’impact du changement climatique car il est particulièrement difficile d’établir un lien de cause à effet entre le changement climatique et, par exemple, des événements météorologiques spécifiques. Même lorsqu’il est possible d’établir un lien et que les recherches sur le changement climatiques s’améliorent chaque jour, dans la plupart des cas, nous ne pouvons que déterminer qu’un événement particulier a été aggravé par le réchauffement de la planète et non causé par celui-ci.
En général, les médias ont amélioré leur couverture des effets du changement climatique au fil des ans. Ils ont même commencé à faire état des effets collatéraux du réchauffement de la planète, tels que les migrations causées par le climat et les conflits en Afrique ou au Moyen Orient provoqués par l’exploitation des ressources naturelles. Ces effets secondaires devraient également être étudiés dans d’autres régions, comme en Amérique centrale. Il existe encore de nombreux domaines méritant davantage de couverture journalistique et de recherches comme l’acidification des océans, par exemple, ou les effets du changement climatique sur la santé publique. A l’inverse, il y a eu aussi des cas dans lesquels l’impact du climat a été exagéré.
Les journalistes doivent étudier tous les facteurs ayant conduit à certains événements météorologiques catastrophiques en prenant en compte le changement climatique mais sans s’y limiter. Par exemple, les incendies de forêt qui ont dévasté la Californie ces dernières années ont pu être provoqué par le changement climatique, mais les pratiques de gestion des forêts et les modèles de développement qui ont conduit à construire davantage de maisons dans les forêts ont leur part dans la catastrophe. Les sources peuvent inclure des scientifiques qui ont enquêté sur le phénomène mais aussi des compagnies d’assurance ayant gardé une trace de nombreuses données potentiellement intéressantes pour enquêter sur ces évènements.
Le changement climatique peut aussi avoir un impact inattendu. Les personnes vivant loin de la côte, par exemple, peuvent également être touchées par l‘élévation du niveau de la mer car elle élève également le niveau des nappes phréatiques sous ses terres, ce qui peut provoquer davantage d’inondations. De même, ces dernières années, des experts ont émis l’hypothèse que le changement climatique pourrait avoir affaibli le jet-stream et pourrait éventuellement déclencher l’éclatement du vortex polaire dans les régions du sud.
Cela nous amène à la question fondamentale de la communication des informations sur le changement climatique : comme il est courant dans les sciences, les résultats de la recherche sur les effets des changements climatiques sont toujours axés sur les possibilités et les probabilités. L’inclusion de ces incertitudes peut sembler nuire à votre propos de prime abord, mais en général, elle va plutôt augmenter votre crédibilité. En démontrant votre intérêt pour la méthode scientifique elle-même et en étant franc sur les limites de la certitude scientifique, vous renforcez votre crédibilité en tant que journaliste et source d’informations scientifiques pour le public.
Groupes activistes et leurs partisans
Cette liste ne serait pas complète sans mentionner la nécessité d’enquêter sur les groupes d’activistes en lien avec les enjeux climatiques, leurs objectifs et leur financement. L’accent a été mis principalement sur les groupes qui nient le changement climatique et leur fonctionnement. Aux États-Unis, ceux-ci s’inscrivent dans une longue liste de groupes financés par l’industrie dont l’objectif est de brouiller les découvertes scientifiques liées à l’environnement et à la santé publique, les plus connus étant ceux financés par l’industrie du tabac. Ces groupes ont bénéficié de nouvelles réglementations permettant de soutenir plus facilement les organisations à but non lucratif avec de “l’argent sale”.
Et qu’en est-il des autres groupes activistes, ceux qui se battent pour des mesures plus énergiques de lutte contre le changement climatique? Là aussi, les journalistes devraient exiger la transparence et pouvoir indiquer qui finance leurs activités. Une différence majeure tient au fait que les groupes environnementaux reposent généralement sur des bases scientifiques, puisque 97% des scientifiques ont confirmé que le changement climatique est réel et causé par l’homme, et que le Groupe d’experts intergouvernemental sur l’évolution du climat (GIEC) a été très clair sur le fait que le problème devenait de plus en plus urgent.
Et les scientifiques? Ceux qui nient le changement climatique, certains hommes politiques et experts des médias, ont affirmé que les chercheurs étaient également biaisés car ils recevaient des fonds pour financer leurs recherches sur le changement climatique. De nombreuses tentatives ont été faites pour semer le doute sur leurs actions. Cela a notamment été le cas lorsque les mails privés de certains climatologues ont été piratés et publiés en 2009. Cependant, il a finalement été démontré que les chercheurs avaient suivi normalement le processus scientifique. En réalité, les questions qu’ils se posaient entre eux sont à la base de la méthode scientifique elle-même mais ce processus a été exploité à de nombreuses reprise par les personnes intéressées à nuire au climat. En revanche, les responsables du piratage informatique n’ont jamais été arrêtés.
En règle général, le système de validation par les pairs est généralement considéré comme un filtre efficace pour nous aider à appréhender la vérité scientifique. Même lorsque des erreurs sont commises, par exemple lorsqu’un rapport du GIEC suggérait que les glaciers de l’Himalaya pourraient fondre d’ici 2035, elles finissent toujours par être exposés et corrigés. Ces dernières années, par exemple, certains ont prétendu que le réchauffement de la planète avait été stoppé, c’est-à-dire que les tendances au réchauffement avaient ralenti ou cessé depuis quelques années. Il a finalement été démontré qu’il ne s’agissait que d’un mirage statistique dû à des événements survenus à court terme et à un manque de données. Raison de plus pour les journalistes de suivre de près les dernières découvertes scientifiques et de rester en contact avec des chercheurs reconnus et de confiance.
Suivi des solutions
Jusqu’ici, la réaction de l’humanité au changement climatique a été timide. Mais, à terme, il devra devenir plus fort si nous voulons éviter les effets les plus catastrophiques du réchauffement. Ainsi, les journalistes doivent également étudier les solutions proposées pour prévenir et s’adapter au changement climatique. Les projets d’énergie renouvelable utilisant l’énergie solaire, éolienne et géothermique deviennent de moins en moins chers et de plus en plus populaires, mais comme tout autre projet d’infrastructure, ils pourraient être victimes de corruption et d’abus.
Entre-temps, certains types d’énergies alternatives plus traditionnelles – principalement les grands projets hydroélectriques et les centrales nucléaires – suscitent leurs propres controverses et pourraient en réalité confronter les intérêts des écologistes locaux contre les partisans de l’action contre le changement climatique au niveau global. Si l’on évalue l’empreinte carbone, les réserves maintenues par les barrages pourraient libérer de grandes quantités de méthane en raison de la détérioration de la végétation sous-marine. Et comme d’autres types de projets d’infrastructures, la construction et l’entretien de ces installations nécessitent de nombreux combustibles fossiles. Ainsi, pour juger de l’impact de toute activité sur le climat, une analyse de son cycle de vie complet est nécessaire.
Certaines des solutions devant également être surveillées:
Biocarburants
Les biocarburants – issus des végétaux et qui, par conséquent, consomment théoriquement autant de carbone qu’ils en émettent – étaient auparavant considéré comme l’alternative la plus prometteuse aux combustibles fossiles. Cependant, leur développement a été stoppé pour plusieurs raisons. D’abord parce que les initiatives en matière de biocarburants nécessitent beaucoup de terre et d’eau douce, des ressources de plus en plus rares. Ensuite parce que le développement des biocarburants est souvent plus coûteux en comparaison à la densité énergétique produite par ces carburants. Cela a poussé certains détracteurs des biocarburants à considérer leur développement comme néfaste, plus proche d’une aide aux agriculteurs que d’un moyen de prévenir le changement climatique.
Le biocarburant créé avec des déchets organiques (également appelé «biogaz») est généralement considéré comme une source d’énergie propre. On espère toujours que les biocarburants deviendront une solution efficace à l’avenir, par exemple s’ils peuvent être issus de déchets alimentaires, de cellulose ou d’algues, ce qui nécessiterait moins d’utilisation de la terre et de l’eau. Ils pourraient aussi être convertis en carburant pour l’aviation, pour lequel il n’existe que peu d’alternatives à ce jour. Mais, comme pour toutes les solutions proposées, les journalistes doivent enquêter pour déterminer si cette solution est trompeuse ou si elle est réellement utile pour la planète.
Extraction, capture et rétention de carbone
L’augmentation de notre capacité à stocker le carbone constituera un élément crucial dans la prévention du changement climatique. Jusqu’à présent, les initiatives prises ont principalement été de planter des arbres et de protéger les forêts – parfois par le biais de programmes de compensation tels que Réduction des émissions résultant du déboisement et de la dégradation (REDD +) . Ces projets peuvent contribuer de manière significative à la préservation des forêts et à la régénération des paysages dégradés mais peuvent aussi parfois entrer en conflit avec les intérêts de ceux qui habitent ces forêts et leur utilité à compenser les émissions de carbone n’est pas toujours claire. Ces tensions et le flou autour de ces projets peuvent être une source foisonnante d’enquêtes journalistiques.
Il existe également d’autres initiatives axées sur l’élimination du carbone des émissions ou de l’atmosphère pour le stocker ou le réutiliser. Un grand nombre d’entre elles sont soutenues ou promues par des sociétés de combustibles fossiles qui s’intéressent au captage et à la rétention du carbone (CSC). L’idée est de capter et stocker le CO2 émis lors de la combustion du charbon et d’autres combustibles fossiles et de le transporter vers des infrastructures souterraines afin d’empêcher leur rejet dans l’atmosphère. Ces initiatives ont été essentielles pour que les industries puissent prétendre produire de l’énergie “plus propre”.
Malgré ses promesses, le CSC a jusqu’à présent été relégué au rang de projets discutable, essentiellement parce qu’il doit être appliqué à une échelle gigantesque et qu’il est extrêmement coûteux. D’autres projets d’ingénierie visant à éliminer le carbone de l’atmosphère sont également à l’essai. En fait, ils se sont confrontés au même problème que les initiatives en faveur des énergies renouvelables. Tout l’enjeu est de savoir qui peut financer ces projets alors que le prix du carbone reste bas, voire inexistant.
Ceci étant dit, nous allons probablement dépendre à un moment ou à un autre de l’extraction et du stockage du carbone. Nous avons déjà perdu tellement de temps à essayer de réduire l’empreinte carbone mondiale que nous devrons probablement dépasser les objectifs de Paris, axés sur la prévention d’un changement climatique catastrophique. Cela signifie que nous pourrions avoir besoin des “émissions négatives” générées par l’extraction du carbone. Comme pour les biocarburants, les journalistes devront être vigilants sur ce sujet.
Adaptation
L’humanité a l’énorme responsabilité de s’adapter et de réagir au changement climatique, et l’ampleur de cette tâche est terrifiante. Un regard approfondi sur toute la résilience et la couverture médiatique nécessaires pour cela pourrait être aussi long que cet article. Nous devons continuer à surveiller de près certaines questions clés. Une grande partie de l’accent mis sur la résilience portera sur l’eau douce: sa disponibilité ou son absence et son rôle dans les inondations, les tempêtes et les sécheresses. La préparation et la reconstruction faisant suite aux catastrophes météorologiques les plus dévastatrices nécessiteront également l’attention soutenue des journalistes.
Des milliards de dollars seront probablement investis pour que la société s’adapte au changement climatique – de la construction de piliers à la restauration de salines ou de zones humides – et il semble peu probable que tout cet argent soit dépensé de manière responsable et efficace. Les journalistes devront garder un œil attentif sur cette question et suivre de près les décisions des politiciens telles que leur choix de construire des défenses “fortes” ou “douces”, ou d’anticiper une élévation de deux pieds du niveau de la mer, ou cinq, ou plus.
Mais ces problèmes ne sont rien en comparaison du coût potentiel de la migration humaine massive que nous allons probablement vivre. Seuls les pays les plus riches pourront payer pour se protéger. Le deuxième meilleur scénario pour les personnes en danger sera un “abandon organisé”. Mais avouons-le, la plupart du temps, cela ne sera pas bien organisé. Cela sera chaotique et probablement violent. Les journalistes devront identifier qui prend quelles décisions pour sauver les communautés en danger.
Géo-ingénierie
Le changement climatique est en réalité une expérience non planifiée de géo-ingénierie à grande échelle, et les humains ont déjà en ont déjà entrepris plusieurs. Serons-nous de bons ingénieurs en réparation de planète ? Les actions que nous avons entrepris jusqu’ici ne sont pas très prometteuses. Il est fort possible qu’un pays, une entreprise ou une autre entité puissante décide un jour d’utiliser la géo-ingénierie à dessein pour se protéger lui-même du changement climatique.
Parmi les projets les plus connus: la distribution d’aérosols dans l’atmosphère ou l’envoi de volets solaires dans l’espace pour réduire légèrement la quantité de lumière solaire atteignant la terre. Mais ces initiatives pourraient aussi réduire la production agricole et seraient impuissants à prévenir l’acidification des océans. Il peut paraître inutile d’évoquer toutes ces possibilités puisqu’il existe peu de mécanismes gouvernementaux de prise de décision au niveau mondial.
Si tout cela semble absurde, nous devons garder à l’esprit qu’il ya 20 ans, il était pratiquement tabou de parler d’”adaptation” dans les milieux environnementaux car cela était perçu comme une distraction de l’objectif de prévention du changement climatique. C’est plus ou moins la position dans laquelle se trouve la géoingénierie aujourd’hui – elle est considérée comme un “risque moral” – mais qui sait quelles mesures désespérées les pays seront prêts à prendre si certaines des prévisions les plus sérieuses se concrétisaient. Les journalistes devraient se tenir informés et devraient suivre de telles initiatives de prêt, d’autant plus que celles-ci seront probablement développées en secret.
Comme le montre cette liste longue mais non exhaustive de sujets de recherche journalistique, le changement climatique et toutes ses manifestations modifie tout. Il affecte toutes les parties du globe, du fond de l’océan au sommet de l’atmosphère, et tous les aspects de l’économie et de la société humaines.
Les scientifiques, les économistes et les personnes travaillant à proximité de la nature peuvent être d’une grande aide pour expliquer comment nous altérons le monde qui nous entoure. En tant que journalistes, notre travail consiste à expliquer la science et à étudier les réponses données par les humains sur toute la planète pour découvrir comment le changement climatique est devenu l’affaire du siècle.
James Fahn est le directeur exécutif du réseau Earth Journalism Network de Internews, membre de GIJN. Il est aussi professeur de journaliste à l’Université de Berkeley en Californie, où il enseigne l’enquête environnementale à l’échelle internationale.
Très intéressant comme sujet à débattre et a publier. J’en suis même très intéressé. Pour apporter ma modeste contribution à ce phénomène combien urgent,je prierais les bonnes volontés à mettre à ma disposition des bourses d’études ou de formation afin de suivre des formations approfondies dans le domaine. Merci de m’aider à être utile à l’humanité.